Compagnies en danger

Depuis des années on le répète, les compagnies de création sont en danger. Aujourd’hui, celles qui résistent encore se retrouvent en état de survie. Certes on reconnaît en elles l’impulsion, la prise de risque, l’invention et le réel outil de la création : printemps après printemps, la LCAP n’en finit plus d’éclore, mais on peine à y trouver le mot «artiste». Quant à «compagnie indépendante» : ignoré !

Voici que décrets, circulaires et arrêtés paraissent. Tous ces textes régissent la relation de l’État avec les acteurs du spectacle vivant : institutions, structures indépendantes, lieux, compagnies de création. Ils fixent des cadres, des objectifs et des cahiers des charges, les missions de service publics des labels (CDN, CCN, PNC ET CNAREP, chacun son arrêté) et les différents dispositifs de soutien à la création. A ce stade rien d’anormal, l’État et les services sont à leur place et fixent le cadre d’une politique publique pour le spectacle vivant. Et les compagnies et autres structures indépendantes de soutien à la création ? En installant un nouvel intermédiaire, le producteur délégué, dans les dispositifs d’aide à la création, jusque-là accessible aux seules compagnies, en destinant les subventions des résidences d’artistes, non plus à la compagnie, mais au lieu d’accueil, à une institutions déjà subventionnée pour co-produire et accueillir en résidence, à un producteur privé, y compris une société commerciale, l’État change de paradigme, déresponsabilise et aliène les compagnies.

Certes des dispositions doivent permettre à des artistes d’être accompagnés à leur début sans avoir à créer une structure juridique. Mais à la rengaine « trop de compagnies » on ne peut répondre par un système séparant le créateur, celui qui fait œuvre, de la maîtrise des moyens de production. Le plus souvent il a déjà perdu la maîtrise des lieux et des outils. Privé des moyens financiers l’artiste se retrouvera toujours plus lié au producteur-diffuseur qui détiendra tous les pouvoirs.
Politique au rabais : faute de réels moyens pour assurer leur cahier des charges, l’État utilise un subterfuge pour abonder les institutions. Jackpot ! On calme les uns et on réduit les autres tout en annonçant de nouvelles mesures pour les équipes de création.

Transparence et démocratie ?
Bien sûr l’évaluation est prévue, les comités d’experts rendront des « avis » que les conseillers DRAC, en sous effectifs, suivront ou non selon leur propre expertise. Tout cela entre soi, la boucle est bouclée. Les organisations professionnelles ne seront toujours pas présentes comme elles le revendiquent, non pas pour « expertiser » mais pour garantir transparence et indépendance.
Et que dire de la dernière « innovation » de la DGCA, « les Compagnies Nationales » ? Qui a défini les critères ? Y a t-il eu un texte de référence, une concertation ou même une information préalable ? Les heureuses élues se sont vu attribuer un doublement de leur subvention, sans même en être informées au préalable. Tant mieux pour elles, et tant pis pour celles qui n’obtiennent même pas un début de réponse sous prétexte d’austérité.
Malgré les alertes et les amendements*, on peut parier que les textes sortiront en l’état. Aux DRACs de se débrouiller pour les faire appliquer. Il ne nous restera que la vigilance pour exiger que les dispositifs de soutien à la création aillent prioritairement aux compagnies ; pour que les fonds alloués à un producteur délégué soient bien utilisés pour la création. Restons mobilisés pour que ces nouveaux dispositifs, et l’évolution culturelle qu’ils représentent, ne fassent pas école au niveau des collectivités dont les aides publiques sont déjà bien mises à mal sur certains territoires.

TEXTES DE RÉFÉRENCES :

AIDES AUX COMPAGNIES :
– Décret du 8 juin 2015 relatif aux aides déconcentrées de l’État aux compagnies

– Arrêté du 22 décembre 2015 relatif aux conditions d’attribution et aux modalités de présentation des demandes d’aides déconcentrées au spectacle vivant.

– Projet de circulaire sur les aides déconcentrées de l’État aux compagnies amendé par le SYNAVI le 25 novembre 2015 : Projet circulaire aides déconcentrées synavi 25 11 15

AIDES AUX RÉSIDENCES :

Projet de circulaire sur les aides aux résidences, amendé par le SYNAVI le 8 février 2016 : Projet circulaire aides aux residences synavi 08 02 16

CAHIER DES CHARGES DES LABELS (concertation en cours)
Projet d’arrêté portant sur le cahier des charges des CDN, amendé par le SYNAVI le 6 avril 2016 : Projet arrêté cahier des charges CDN Synavi 06 04 16

Adhérer au Synavi

Adhérer, c’est faire entendre votre voix et permettre au SYNAVI de poursuivre ses actions pour la défense de la création indépendante.

Nous avons clôturé la campagne d'adhésion 2023 avec 616 adhérent.e.s au compteur, dont 170 nouvelles structures : c'est un chiffre exceptionnel, surtout en cette année de mesure de la représentativité. Chaque adhésion compte pour porter votre voix avec force dans les instances de négociations des politiques publiques. Soyons toujours plus nombreux.ses pour défendre le secteur indépendant du spectacle vivant ; rejoignez-nous !