ET APRÈS, SI ON CHANGEAIT ?

Quelques soient les interprétations que nous choisirons d’en faire a posteriori, la crise sanitaire mondiale que nous traversons aura, entre autres, été révélatrice de la fragilité de notre modèle économique global.
 
Ce qui est vrai pour l’ensemble des secteurs de l’activité humaine l’a été tout particulièrement pour ceux qui, à l’instar du spectacle vivant, reposent sur le rassemblement des personnes, sur les échanges interpersonnels, sur la proximité et le contact entre humains.
Porteur privilégié des droits culturels des personnes, par la richesse et la variété des formes qu’il offre, le spectacle vivant se construit dans l’interconnexion de multiples acteurs, dans une grande variété de conditions et une immense diversité d’organisations structurelles, économiques et humaines.

Face à la crise sanitaire, les notions, déjà très abstraites, de «spectacle vivant public» et «privé» s’effacent, fondues dans un recours unanime à l’argent public, au soutien des collectivités territoriales et de l’État ; le tiers-secteur de la création se retrouve plus que jamais à la croisée des chemins, peinant pourtant à être reconnu dans les dispositifs d’aide qui émergent ; des notions contractuelles jusque là unanimement reconnues doivent être remises en cause : service effectué, cas de force majeur pour ne citer que celles-ci ; des pratiques «naturelles» se sont effacées, au premier rang desquelles la vente des œuvres ; dans le tiers secteur, la fragilité de nos fonctionnements s’est révélée en pleine lumière, tels que les chiffres d’affaire et périodes d’emploi discontinus, et tant de spécificités de pratiques qui ne rentrent ni dans les critères d’activité des labellisés ni dans ceux d’une entreprise commerciale.

Bien sûr, des tentatives ont émergé ici et là de maintenir des ventes de produits en les diffusant sur Internet, gouttes d’eau face à l’immense proposition de gratuité d’accès aux œuvres de l’esprit, faite par des artistes isolés·es, professionnels·les ou amateurs, par des institutions ou des structures indépendantes.
Nous sommes tous témoins de la multiplicité des réactions, des attitudes et des propositions faites par les acteurs du spectacle vivant, et il est flagrant que la césure ne se fait plus aussi nettement, en ce moment, entre «privé» et «public», que la notion d’intérêt général ou d’accessibilité ne sont plus l’apanage de personne.
Il est tout aussi évident que, pour apporter du soutien aux acteurs de la création, le manque d’argent ou l’application de critères prétendument artistiques ne tiennent plus face à une crise de l’ampleur de celle que nous traversons.
Il n’est pas nécessaire d’être devin, mais seulement de faire un tour d’horizon, pour voir que de nombreuses structures, déjà fragiles, auront beaucoup de mal à se relever de cette neutralisation de leur activité ; de nombreux professionnels·les, les plus fragiles d’entre nous, se retrouveront poussés·es vers la sortie de leur activité nourricière. Par manque de visibilité, de reconnaissance dans les réseaux de diffusion, par manque de capacité commerciale, de solidité financière, c’est à une extinction de masse que nous risquons d’assister si les règles du jeu n’évoluent pas à la sortie de cette crise.
Au-delà de son modèle économique, c’est bien le mode de pensée dominant dans le spectacle vivant qui a démontré sa fragilité et sa subjectivité. Le «toujours plus» a montré clairement ses limites. Il tient donc de la responsabilité collective de tous ses acteurs, professionnels, entreprises, institutions, bénévoles, administrations et partenaires sociaux de changer le paradigme du spectacle vivant en France.
La sortie de cette crise sans précédent ne peut et ne doit pas être la normalisation de notre paysage, l’effacement de la diversité des propositions artistiques. C’est pourtant ce qui attend le spectacle vivant si son avenir se poursuit autour d’un face à face entre labels d’État et spectacles marchands. Cet ancien modèle doit disparaître, pour permettre l’essor d’une proposition nouvelle, construite par ses acteurs, grâce à l’étendue de leur diversité ; un paysage dans lequel le tiers-secteur pourrait probablement être davantage qu’une troisième voie.
Construit sur les notions de solidarité, de singularité et d’intérêt général, le SYNAVI sera vigilant à l’après crise sanitaire et se prépare déjà à y participer pleinement. Il ne s’agit pas de se battre pour «revenir à la normale» et que «rien ne change», mais bien de construire un spectacle vivant et une société qui s’éloigneront enfin des totems de la croissance continue, de l’inégalité et de l’arbitraire.
JF Roustan, élu au Conseil national, en charge de la communication

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