Tribune dans l’Humanité – Ré-ouvrir les théâtres, oui, mais…

11 mars 2021

«L’ouvert, [c’est] l’espace pur dans lequel infiniment fleurissent et se perdent les fleurs.»

R.M. Rilke

Partout résonne aujourd’hui un appel à rouvrir les théâtres et les lieux de culture.

Cet appel mobilise tous les acteurs culturels et, parmi eux, les artistes et les équipes artistiques indépendantes, compagnies de théâtre et de danse, de cirque, marionnettes, arts de la rue, conteurs et ensembles musicaux, qui, depuis un an, n’ont pu présenter leurs spectacles aux publics.

Nombreux sont celles et ceux qui se sont maintenu.es en état de survie précaire par des dispositifs d’aides publiques -souvent complexes et inadaptés à leur activité -ou qui ont déjà disparu du paysage artistique. Entre annulations de spectacles et reports incertains, beaucoup se retrouvent épuisé.es par un «stop and go» permanent, par les atermoiements des pouvoirs publics et par l’absence d’un calendrier de réouverture. Pour toutes et tous, l’espoir de voir les théâtres ré-ouverts s’accompagne de l’inquiétude d’un embouteillage dans les programmations à venir qui sera fatal à un grand nombre de créations et d’aventures collectives…

Nous savons que la réouverture nécessaire des théâtres ne suffira pas à répondre aux besoins.

Parce que cette réouverture est d’abord conditionnée par une relance durable des activités artistiques et culturelles. Que seront les théâtres ré-ouverts s’ils ne sont pas en état d’accueillir toute la diversité des propositions de création ? Si cela conduit à remettre en cause des emplois et des droits sociaux des artistes et des techniciens ? Ce qui doit s’ouvrir dans les théâtres, ce n’est pas seulement les guichets et les campagnes d’abonnements, c’est une présence, une vie artistique renouvelée, dans ses manifestations multiples et fécondes. Il est grand temps que les théâtres déconfinés s’ouvrent au grand vent des libertés artistiques, celles des personnes rassemblées en publics et celles des artistes s’exposant sur les scènes, corps, voix et regards mêlés.

Ce qui doit être rejeté lors de cette réouverture, c’est le renfermement dans des modes de fonctionnement opaques, sélectifs, discriminatoires, non respectueux de l’égalité et des droits culturels des personnes, c’est la course à la rentabilité et à la marchandisation de la création, c’est le repli de l’activité artistique et culturelle dans des lieux sanctuarisés par temps de crise sanitaire, écologique et sociale.

Ce qui doit être relancé au-delà de la réouverture, c’est la capacité des artistes et de leurs équipes administratives et techniques à contribuer à la vie culturelle, à inventer d’autres rencontres et processus de création avec les citoyens de toutes générations, dans tous les lieux et par tous les temps. A manifester leurs engagements dans la durée, autant par la proximité et la présence sur des territoires que par la recherche de liens entre le proche et le lointain, entre l’imaginaire et le réel.

Ce qui doit être développé et soutenu, aussi, ce sont les espaces multiples et intermédiaires, les interstices créatifs où les équipes artistiques vivent, créent, produisent dans une relation de proximité aux habitants, à leur entourage, à leur territoire.

Ce qui doit être pensé,c’est la possibilité de faire exister cette relation ténue mais essentielle, dans les lieux divers, les lieux de vie, de travail, d’éducation, de l’éducation populaire, etc…

Il y a donc urgence à ce que la solidarité se renforce entre lieux et compagnies et qu’au-delà de la réouverture des théâtres et des aides «d’urgence», les pouvoirs publics reconnaissent et soutiennent durablement un nouvel essor de la création d’art vivant, qui dépasse largement les seuls espaces et les seuls temps de représentations publiques face à un public, dans un théâtre.

Nous savons créer – et récréer – les liens, les dimensions artistiques et culturelles de nos vies écornées par une année de confinement et de quotidiens restreints. Qu’on nous en donne les moyens. Il n’y a pas de zone blanche culturelle. Il y a juste des équipes artistiques en manque de moyens, de partenaires et de reconnaissance.

Les membres du Conseil National du SYNAVI

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