Mme Élisabeth Borne, Première ministre
M. Olivier Dussopt, ministre du Travail
Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la Culture
Paris, le 18 décembre 2023
Madame la Première Ministre,
Monsieur le ministre du Travail,
Madame la ministre de la Culture,
Les organisations professionnelles de notre branche ont été destinataires d’un courrier en
date du 28 novembre dernier adressé par Monsieur le ministre du Travail et faisant suite à la
conférence sociale organisée sous l’égide de Madame la Première ministre le 16 octobre
dernier.
Dans ce courrier, il nous est notifié la situation de non-conformité dans laquelle se trouvent
les grilles de salaires de notre convention collective du fait de l’existence de coefficients
devenus inférieurs au SMIC.
Il nous est de ce fait enjoint de corriger cette situation en nous rappelant notre « responsabilité
de jouer pleinement le jeu de la négociation, en faisant en sorte d’éviter les situations
d’enlisement et de blocage ».
Loin de l’enlisement et du blocage, notre branche prend très au sérieux sa responsabilité
quant à la régulation des conditions dans lesquelles travaillent les personnels artistiques,
techniques et administratifs.
Rien que sur les salaires, notre branche a été amenée à conclure pas moins de trois accords
dans les deux dernières années du fait de l’inflation sans précédent à laquelle notre pays fait
face depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine.
Pour autant, nos dernières négociations intervenues en octobre ont échoué et nous nous
apprêtons à rouvrir des négociations dès le mois de janvier prochain dans un contexte
extrêmement difficile.
Nous sommes arrivés au bout d’un exercice et faisons désormais face à une impasse sur
laquelle nos différentes organisations ont déjà alerté depuis longtemps votre gouvernement
(et ses prédécesseurs) qui ne peut se contenter de nous renvoyer à notre responsabilité de
partenaires sociaux.
Notre branche ne se trouve en effet pas du tout dans la même situation à cet égard que celles
caractérisées par un modèle économique de marché. Les entreprises de notre branche
assument des missions d’intérêt général qui sont financées par les collectivités publiques,
dont l’État, et leur économie dépend donc avant tout de ces financements.
Or, ces derniers ont dangereusement stagné au cours des années passées quand ils n’ont
pas été brutalement diminués dans certaines collectivités alors que les dépenses des
entreprises n’ont cessé d’augmenter du fait de l’inflation, mais également de la
démultiplication des attentes vis-à-vis des structures.
Dans ces circonstances, notre branche se trouve dans une situation très critique du fait :
- d’une paupérisation et d’une précarisation des personnels qui travaillent dans notre
branche (les salaires y sont en moyenne de 20% inférieurs à ceux des autres secteurs) ;
- d’une réduction drastique de l’activité (que l’on évalue autour de 30%) qui a pour effet
de réduire le volume d’emploi global de la branche.
Nos négociations se déroulent donc dans un contexte extrêmement tendu puisque la moindre
augmentation des salaires minima dans notre branche aggrave mécaniquement la destruction
des emplois tandis que la stagnation des salaires rend les conditions de travail extrêmement
difficiles pour les équipes artistiques, techniques et administratives et entraînent des difficultés
de recrutement majeures du fait de la faible attractivité salariale de nos métiers.
Alors que certains de nos voisins européens n’hésitent pas à indexer le niveau de leurs
subventions à la culture en fonction de l’inflation, votre gouvernement et ses prédécesseurs
n’ont cessé de nous opposer les contraintes budgétaires pour justifier une stagnation de nos
financements doublée d’un affaiblissement fiscal et budgétaire des collectivités territoriales
qui sont nos premiers financeurs.
Le ministère de la Culture nous propose aujourd’hui un plan « Mieux produire, mieux
diffuser », doté d’un budget dérisoire (si on le compare à celui du Pass Culture) qui n’est pas
à la hauteur de la situation. En outre, il nous semble poursuivre une logique malthusienne qui
s’assimile de plus en plus à un plan social et qui risque surtout de porter atteinte à la richesse
et la diversité artistique de notre pays.
Nous souhaiterions donc pouvoir échanger avec vous sur cette situation (avant les BIS de
Nantes, qui réuniront tous les professionnels du spectacle vivant les 17 et 18 janvier 2024)
pour examiner ensemble les solutions qui peuvent être déterminées pour assurer la continuité
du service public de la culture dans de bonnes conditions tant pour les entreprises que les
salariés.
Nous vous remercions d’avance de l’attention que vous prêterez au présent courrier et vous
prions d’agréer, Madame la Première Ministre, Monsieur le ministre du Travail et Madame la
ministre de la Culture, l’expression de notre considération respectueuse.
Les signataires :
F3C CFDT – Communication Conseil Culture CFDT
FNAR – Fédération nationale des Arts de la rue
FSICPA – Fédération des structures indépendantes de création et de production artistiques /
SYNAVI – Syndicat National des Arts Vivants / SCC – Syndicat des cirques et compagnies de
création
LES FORCES MUSICALES – Syndicat professionnel des Opéras, Orchestres et Festivals lyriques
PROFEDIM – Syndicat professionnel des Producteurs, Festivals, Ensembles, Diffuseurs
Indépendants de Musique
SFA CGT – Syndicat Français des Artistes-interprètes
SMA – Syndicat des Musiques Actuelles
SNAM CGT – Union Nationale des Syndicats d’Artistes Musiciens (Enseignants et Interprètes) de
France CGT
SNAPAC CFDT – Syndicat national des Artistes et des Professionnels de l’animation, du Sport et de
la Culture
SNSP – Syndicat National des Scènes publique
SUD – Culture – Syndicat « Solidaires, Unitaires et Démocratiques » de la Culture
SYNDEAC – Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles
SYNPTAC CGT – Syndicat National des Professionnel.le.s du Théâtre et des Activités Culturelle