Le temps est un instrument politique.
Depuis le 9 juin, le président, et quelques-uns de ses conseillers, nous ont jetés dans l’urgence. Après la politique des décrets et des 49-3, la politique du précipité voudrait nous faire croire que la France est composée de deux blocs d’extrêmes insolubles dont seul le libéralisme détiendrait le composé homogénéisant.
Les thématiques de campagne nous sont servies à la hache, soutenues par des médias détenus à 90% par 9 milliardaires, nous plongeant dans la caricature, l’outrance et le fantasme. Fantasme d’un envahissement migratoire, fantasme d’une déroute morale wokiste, fantasme d’un effondrement nataliste, fantasme de la catastrophe économique de la redistribution.
La peur agite donc partout le débat quand il faudrait plus que jamais retrouver une stature de lucidité et de responsabilité.
Reprenons notre souffle et le flambeau de la joie pour éclairer ces élections décisives.
Oui nous sommes face à des choix de société, à un moment grave où les équilibres basculent, où nous sommes aux prises avec un choc climatique dont nous peinons encore à accepter les transformations qu’il va imposer.
Face à une insécurité, qui procède d’une forme d’occupation de plus en plus totale, de nos activités professionnelles à nos lieux de vie, de nos intimités à nos imaginaires, nous devons rompre résolument avec ces pratiques manipulatoires qui nous jettent dans les lumières des phares.
Nous devons remettre les pieds sur terre.
Les dividendes versés aux actionnaires en France ont atteint en 2023, 46 milliards d’euros, un record inégalé. Quatre milliardaires en France ont vu leur fortune augmenter entre 2020 et 2023 de plus 80% en moyenne – la fortune de la famille Bernard Arnault est estimée en 2023 à 176,8 milliards d’euros – quand la richesse des Français a baissé de 3,9%.
Ce vertige est-il tel que nous tournons le dos au vide pour regarder ailleurs ?
Comment dans ce contexte peut-on accepter que la scène médiatique ne soit occupée que d’économistes, présentés comme de savants légistes, qui n’ont de cesse de nous démontrer que le programme du Nouveau Front Populaire est irréaliste, qu’il représente le plus grand danger pour notre Pays ?
Plus que l’extrême droite fondée en 1972 par un conglomérat d’ancien nazis, d’anciens SS ou des membres de l’OAS ?
Mais un danger pour qui ?
Pour moins de 9% des Français, qui, faut-il le préciser, ne seraient pas jetés dans la pauvreté, mais devraient consentir au partage ?
Alors que faire ?
Depuis notre place de syndicat, depuis nos places d’artistes, de créateurs.trices, d’équipes artistiques riches de la diversité de ses savoirs et de ses approches, depuis nos places de citoyen.ne.s et de militant.e.s ? D’abord lutter, occuper encore et encore le terrain, en défendant les principes de redistribution de la valeur, en défendant les droits culturels, la liberté de création, la diversité.
Ensuite renouer avec la complexité du monde qui nécessite l’échange, le dialogue, le respect et le débat, qui suppose aussi, qu’en tant que syndicat, nous puissions, nous aussi, « jeter les rancunes à la rivière » pour entamer un travail sincère sur ce que pourrait être un nouveau service public du spectacle vivant.
Enfin, pour sortir des fantasmes, il nous faut partager avec joie et force les récits de nos démarches, du réel des rencontres entre des gens ayant des références culturelles différentes qui œuvrent, créent ensemble dans l’altérité, dire la puissance d’une expérience collective, à quel point elle peut libérer, dire que dans un quartier populaire, comme dans une vallée enclavée ou un village, chacun et chacune a une culture, que c’est de l’ignorer qui la restreint à elle-même et la condamne à l’exclusion.
Dire enfin que si le service public est le patrimoine de ceux et celles qui n’en ont pas, celui du spectacle vivant est un bien commun capable de rendre à nos imaginaires la joie, le désir et la dignité.
Nous sommes des millions.
Face aux attaques et aux intimidations, n’ayons pas peur, soyons fiers du projet de société que nous portons et participons à créer les bases d’une transformation juste et désirable.
Soyons présents et présentes dimanche dans les bureaux de vote pour continuer à défendre ces valeurs !