Communiqué du 05/07/2024
Les idéologies d’extrême droite ne prospèrent pas uniquement dans un climat de colère, elles se développent aussi à partir d’un besoin de simplification, d’un sentiment d’impuissance et d’isolement.
L’extrême droite déteste la complexité.
L’extrême droite déteste le dialogue et le débat.
C’est pourquoi nous devrons nous battre et nous nous battons déjà contre les censures, contre les atteintes à la liberté de création, contre les tentatives d’instrumentalisation qui ne cessent de se multiplier et qui s’accentuent dans des systèmes de concentration des moyens et de stratégies d’influence.
C’est pourquoi nous devons dialoguer et débattre, non pas depuis nos statuts – d’artistes, de syndicalistes, d’employeurs, de représentant.es de – mais depuis une démarche.
Celle d’aller à la rencontre de la culture et des références de l’autre, en respectant ses limites et son intimité, en questionnant sa manière d’être au monde et la nôtre en retour, en se fréquentant. En prenant le temps de nous installer un peu, en dehors des injonctions à produire et à diffuser.
Il y a de la culture dans les banlieues et les quartiers prioritaires, il y a de la culture dans les villages, dans les bourgs et dans les vallées enclavées. Il y a de la culture partout où on veut la voir et l’écouter. C’est de l’ignorer qui la restreint à elle-même et la condamne à l’exclusion. C’est de l’ignorer qui agite la peur et la colère.
Camus dit : « L’artiste se forge dans cet aller-retour perpétuel de lui aux autres, à mi-chemin de la beauté dont il ne peut se passer et de la communauté à laquelle il ne peut s’arracher. C’est pourquoi les vrais artistes ne méprisent rien ; ils s’obligent à comprendre au lieu de juger. »
Pour comprendre, nous ne pourrons pas faire l’économie d’une remise en question du système libéral auquel nous participons.
Ce système qui segmente, concentre et trie, hiérarchise et invisibilise.
Et disons-le, notre système n’est pas menacé par des militants syndicaux, des citoyens en colère, des gilets jaunes, des agriculteurs ou des salarié.es en grève, pas non plus par des activistes écologistes, des farouches défenseurs des droits sociaux ou des salarié.es de l’audiovisuel public de la culture, encore moins par des étrangers en situation irrégulière.
Non, il est avant tout menacé par ce qu’il produit : par les inégalités qu’il creuse, par l’absence de limites des profits qu’il génère, par les catastrophes climatiques qu’il ignore, par les concentrations de pouvoir qu’il organise, par le temps qu’il fragmente, par les boulevards qu’il ouvre en grand à la propagande populiste de la peur de l’étranger, de la stigmatisation de la différence, de la vision tellement réactionnaire de la place des femmes dans notre société.
Reprenons notre souffle et le flambeau de la joie pour nous installer là, exactement à mi-chemin entre la beauté et la communauté à laquelle nous ne pouvons-nous arracher.
Si le service public est le patrimoine de ceux et celles qui n’en n’ont pas, celui du spectacle vivant, à la condition qu’il ne méprise aucune culture, est l’un des biens communs capable de rendre à nos imaginaires la joie, le désir et la dignité.
Nous sommes des millions.
Face aux attaques et aux intimidations, n’ayons pas peur, soyons fiers du projet de société que nous portons et participons à créer les bases d’une transformation juste et désirable.
Prenons le temps, même si celui-ci nous manque cruellement, de nous interroger collectivement sur ce que nous traversons. Car c’est bien ensemble, en écoutant chacune des voix, que nous pourrons tenter de témoigner de la complexité du monde.
Car demain quel que soit le résultat des élections nous devrons atterrir et reconstruire ensemble un nouveau service public du spectacle vivant.